Les grottes de Lunareth, plongées dans une obscurité presque palpable, semblaient vibrer d’une tension résiduelle après la disparition de l’Ombre.
Les cristaux luminescents, éteints par l’attaque, recommençaient à scintiller faiblement, projetant des éclats bleutés sur les parois humides. Ares tenait la pierre noire dans sa main, son éclat étrange pulsant comme un cœur vivant.
Ses yeux gris, où dansait une lueur cosmique à peine contenue, fixaient l’artefact avec une intensité qui trahissait sa colère. Ils osent me traiter de faible ? Un déchet ? [Pensées d’Ares : Rhasmeltor pense qu’un paria est une proie facile. Il va apprendre que même un exilé peut briser un multivers.]
Lyra, toujours agenouillée près de Mira, releva la tête, ses yeux verts rougis par les larmes mais brûlant de détermination. « Ares, qu’est-ce que tu es, bon sang ? » demanda-t-elle, sa voix tremblante de colère et de douleur. « Ce que tu as fait là-dedans… ce n’était pas de la magie normale. Tu as arrêté l’Ombre comme si c’était rien ! Arrête de nous prendre pour des idiots et dis-nous la vérité ! »
Ares, la pierre toujours dans sa main, lui lança un regard narquois. « La vérité ? Lyra, tu ne supporterais pas une fraction de ce que je suis. » [Pensées d’Ares : Ces mortels et leurs petites questions… Ils veulent des réponses, mais ils ne comprendraient pas le poids du multivers.] « Disons que je suis plus qu’un mage puissant, et moins qu’un dieu. Ça te va ? »
Lyra se releva, les poings serrés.
« Non, ça ne me va pas ! Kael est mort à cause de cette pierre, à cause de toi ! Tu nous entraînes dans quelque chose qu’on ne comprend pas, et tu te contentes de jouer les arrogants ! »
Mira, recroquevillée contre une stalagmite, leva les yeux, sa voix faible mais claire. « Il a raison, Lyra. Cette pierre… elle est dangereuse.
Elle me parlait, mais… je crois qu’elle me manipulait. »
Ares tourna son regard vers Mira, impressionné malgré lui. Maligne, la gamine. Elle a senti l’âme de la pierre sans même savoir ce que c’était. [Pensées d’Ares : Cette pierre n’est pas qu’un artefact. Elle a une conscience, une volonté.
Et si Rhasmeltor a pu m’atteindre à travers elle, c’est qu’il est plus puissant que je ne le pensais. Mais je ne suis pas un pion.]
Il s’accroupit devant Mira, son ton plus doux mais toujours teinté de son arrogance habituelle. « Écoute, gamine. Cette pierre t’a utilisée comme un pion.
Elle voulait que tu l’éloignes des mains avides de types comme Voryn ou cet étranger que tu as vu. » Il marqua une pause, pesant ses mots. « Cet étranger… ce n’était pas une personne. C’était l’âme de la pierre, une projection.
Elle t’a manipulée pour te faire croire que tu avais un rôle à jouer. Mais maintenant, elle est avec moi. Et toi, tu n’as plus rien à craindre. »
Mira écarquilla les yeux, partagée entre le soulagement et la peur. « Alors… je ne sers plus à rien ? »
Ares ricana, mais son regard s’adoucit légèrement.
« Sers à rien ? Non, gamine. T’as survécu à Voryn, à Eryndor, et à cette Ombre. T’es plus coriace que la moitié des mortels que j’ai rencontrés. Mais cette pierre ? Elle est trop dangereuse pour toi. Je la garde. » [Pensées d’Ares : Et si Rhasmeltor veut la reprendre, il devra venir me la chercher lui-même.]
Lyra croisa les bras, toujours méfiante. « Et qu’est-ce que tu vas en faire, Ares ? Tu vas la vendre ? La détruire ? Ou juste t’en servir pour jouer les rois ? »
Ares haussa les épaules, glissant la pierre dans une poche de sa tunique noire. « Je ne gaspille pas mon temps à expliquer mes plans à des mortels.
Mais si ça peut te rassurer, disons que je veux comprendre ce qu’elle est avant que quelqu’un d’autre ne mette la main dessus. » [Pensées d’Ares : Cette pierre est un cœur du multivers. Si je la maîtrise, je pourrais tenir tête à Rhasmeltor… ou à mes anciens bourreaux.]
Lyra soupira, épuisée.
« D’accord. Mais Mira ne peut pas retourner à Lunareth. Pas avec Voryn à ses trousses. Elle restera chez moi. J’ai une petite maison à l’écart, près des remparts. Elle sera en sécurité là-bas. »
Ares hocha la tête, son expression neutre mais ses pensées en ébullition. [Pensées d’Ares : Une cachette à Lunareth ? Risqué, mais pratique.
Ça me donne le temps d’étudier la pierre sans avoir à jouer les baby-sitters.] « Bonne idée. Toi et la gamine, rentrez chez toi. Restez discrètes. Je vais m’assurer que personne ne vous trouve. »
Mira, hésitante, murmura : « Et toi, tu vas où ? »
Ares lui lança un sourire en coin. « Moi ? Je vais me promener.
J’ai des comptes à régler avec certains… indiscrets. » [Pensées d’Ares : Si l’Ombre est un avatar de Rhasmeltor, il y en aura d’autres. Et je veux savoir jusqu’où ils sont prêts à aller pour cette pierre.]
Le trajet de retour vers Lunareth fut silencieux, chargé d’une tension pesante. Lyra guidait Mira à travers les sentiers forestiers, évitant les routes principales où les patrouilles de Voryn rôdaient.
Ares marchait derrière, son apparence humaine intacte, mais son esprit sondant la pierre dans sa poche. Chaque pulsation de l’artefact semblait murmurer, non pas à lui, mais à travers lui, comme si une présence lointaine l’observait. Rhasmeltor, pensa-t-il, sa colère montant à nouveau.
[Pensées d’Ares : Il me prend pour un faible parce que les Éternels m’ont rejeté. Mais un paria n’a pas de chaînes. Et je vais lui montrer ce que ça signifie.]
Ils atteignirent la maison de Lyra à l’aube, une petite bâtisse de pierre nichée dans un quartier modeste, à l’ombre des remparts de Lunareth.
Les murs étaient ornés de runes protectrices, simples mais efficaces contre les sorts de localisation mineurs. Lyra fit entrer Mira, qui s’effondra sur un lit étroit, épuisée. La serveuse se tourna vers Ares, son regard dur.
« Tu nous as sauvées, je te l’accorde », dit-elle, la voix basse. « Mais je ne te fais toujours pas confiance. Si tu nous mets en danger, Ares, je te trouverai. Et je te ferai payer. »
Ares éclata de rire, un son grave qui fit vibrer l’air.
« Oh, Lyra, j’adore ton audace. Menacer un… disons, voyageur comme moi ? C’est presque mignon. » [Pensées d’Ares : Elle a du cran. Si elle savait à quel point elle est insignifiante face à ce qui se profile, elle ne serait pas si bravache.] « Garde la gamine en sécurité. Je m’occupe du reste. »
Lyra plissa les yeux mais hocha la tête. « Ne fais rien de stupide. »
Ares s’éloigna sans répondre, son esprit déjà ailleurs. Il s’arrêta dans une ruelle déserte, sortant la pierre de sa poche. Son éclat semblait plus intense, comme si elle réagissait à sa présence. Il ferma les yeux, laissant ses sens cosmiques sonder l’artefact.
Une vision fugace l’envahit : une silhouette massive, Rhasmeltor, ses yeux comme des étoiles mortes, observant un millier de réalités s’effondrer. Et au centre, la pierre noire, pulsant comme le cœur d’un dieu oublié. L’âme de la pierre, pensa-t-il.
[Pensées d’Ares : Elle m’a choisi, moi, pas Mira. Mais pourquoi ? Et pourquoi Rhasmeltor la veut-il si désespérément ?]
Un bruit de pas le tira de sa transe. Il rangea la pierre et se tourna, prêt à affronter un nouveau danger. Mais ce n’était qu’un chat errant, ses yeux luisant dans l’obscurité. Ares ricana.
« Même les chats me prennent pour une proie, on dirait. » [Pensées d’Ares : Que le multivers tremble. Je ne suis pas un déchet. Et Rhasmeltor va l’apprendre à ses dépens.]