La cabane de chasse, nichée au cœur de la forêt de Lunareth, semblait un havre fragile sous la lueur vacillante du feu. Les murs de bois craquaient doucement, comme s’ils murmuraient les secrets des anciens mages qui avaient autrefois foulé ces terres. Ares, adossé contre un mur, observait Mira, Lyra, et Kael avec une curiosité teintée de son habituelle arrogance.
La pierre noire reposait sur la table, son éclat étrange projetant des ombres dansantes sur leurs visages. Mira, toujours méfiante, gardait une main près de l’artefact, ses yeux bleus scrutant Ares comme s’il pouvait à tout moment la trahir.
Ils forment une équipe improbable, pensa Ares, un sourire narquois effleurant ses lèvres humaines. Une gamine avec un secret trop grand pour elle, une serveuse qui joue les héroïnes, et un forgeron qui cache plus qu’il ne dit. Et moi, au milieu de tout ça. Le multivers a un sens de l’humour tordu.
Lyra brisa le silence, sa voix teintée d’urgence. « On peut pas garder cette pierre ici longtemps.
Si Voryn la veut, il enverra plus que des gardes. Il a des mages à sa solde, des vrais, pas des apprenants. »
Kael, occupé à aiguiser sa hache près du foyer, grogna sans lever les yeux. « Elle a raison. Le Conseil a des traqueurs. Des sorts de localisation. Ils vont nous trouver avant l’aube si on reste ici. »
Ares haussa les épaules, feignant l’indifférence. « Qu’ils viennent. J’ai envie de voir ce que vos mages savent faire. Ça pourrait être… divertissant. »
Mira, qui n’avait pas parlé depuis un moment, serra la pierre plus fort. « Vous parlez tous comme si c’était juste un objet. Mais elle… elle me parle. Pas tout le temps, mais parfois. Elle dit des choses… effrayantes. »
Ares se redressa, son regard s’aiguisant. Encore cette histoire de murmures. « Et qu’est-ce qu’elle te raconte, gamine ? Ne me fais pas deviner, j’ai pas la patience. »
Mira déglutit, ses doigts tremblants. « Elle parle d’une ombre qui grandit. D’un vide qui avale tout. Et… elle dit que je suis importante. Que je dois la protéger. »
Lyra fronça les sourcils, posant une main rassurante sur l’épaule de Mira. « Tu n’as pas à porter ça toute seule, Mira. On va t’aider. »
Ares ricana. « Oh, comme c’est touchant. Une belle équipe de héros. Mais soyons sérieux : cette pierre n’est pas un jouet. Elle vient d’ailleurs, d’un endroit que vous ne comprendriez pas. »
Pas encore, ajouta-t-il dans ses pensées, sentant à nouveau cette présence lointaine, comme un regard pesant sur lui depuis l’autre côté du multivers. Quelqu’un sait que je suis ici. Et ils savent pour la pierre.
Avant que quiconque puisse répondre, un hurlement déchira la nuit. Le sol trembla, et une vague de magie brute, froide comme la mort, balaya la cabane. Les murs frémirent, et les lucioles enchantées dehors s’éteignirent d’un coup, plongeant la forêt dans une obscurité oppressante.
Kael bondit sur ses pieds, hache en main. « Traqueurs ! Ils nous ont trouvés ! »
Ares soupira théâtralement. « Déjà ? Vos mages manquent de subtilité. » Mais intérieurement, il était en alerte. Cette magie n’était pas ordinaire. Elle portait une trace d’énergie étrangère, comme un écho de la pierre. Ce n’est pas juste Voryn. Quelque chose de plus grand est à l’œuvre.
La porte de la cabane explosa dans une gerbe d’éclats, révélant trois silhouettes encapuchonnées, leurs robes noires ornées de runes pulsantes. Des traqueurs du Conseil, leurs yeux luisant d’un éclat argenté sous l’effet d’un sortilège.
Derrière eux, une quatrième figure, plus grande, se tenait dans l’ombre, son aura écrasante même pour Ares. Un mage de haut rang, pensa-t-il, intrigué. Enfin un défi.
« Rends la pierre, fille », gronda le chef des traqueurs, une femme à la voix rauque. « Et peut-être qu’on te laissera vivre. »
Mira, paniquée, serra la pierre contre elle et recula vers le mur. Lyra se plaça devant elle, brandissant une dague enchantée qu’elle avait tirée de sa ceinture. « Vous devrez passer par moi d’abord ! »
Kael rugit et chargea, sa hache s’abattant sur le premier traqueur. Une barrière magique repoussa l’attaque, mais Kael tint bon, ses muscles bandés sous l’effort. « Ares, fais quelque chose ! » cria-t-il.
Ares leva une main, un sourire narquois aux lèvres. « Puisque vous insistez. » D’une pensée, il projeta une vague d’énergie invisible, faisant chanceler les traqueurs.
Leurs runes s’éteignirent, et ils s’effondrèrent, inconscients. Mais la quatrième figure, celle dans l’ombre, ne bougea pas.
« Impressionnant », dit une voix grave, presque amusée. L’homme avança, révélant un visage émacié, des yeux d’un violet surnaturel, et une robe ornée de symboles qui semblaient danser comme des flammes. « Mais pas assez. »
Ares plissa les yeux. Ce type… il n’est pas comme les autres. « Et toi, t’es qui ? Le toutou de Voryn ? »
L’homme sourit, un rictus froid. « Je suis Eryndor, Premier Mage du Conseil. Et toi, étranger, tu n’es pas de ce monde. »
Ares sentit un frisson d’excitation. Il sait quelque chose. « Bien vu. Mais si tu crois que ça te donne un avantage, tu vas être déçu. »
Avant qu’Ares ne puisse agir, Eryndor leva une main, et une explosion de magie brute déchira la cabane. Les murs s’effondrèrent dans un craquement assourdissant, et une vague de flammes noires engloutit la pièce. Ares, d’un geste, protégea Mira, Lyra, et Kael avec un bouclier d’énergie, mais l’attaque était plus puissante qu’il ne l’avait prévu.
Cette magie… elle n’est pas d’ici.
Lyra cria, tirant Mira hors des débris. Kael, blessé par une poutre enflammée, grogna mais resta debout, hache en main. « Fuis, Mira ! » hurla-t-il.
Mira, les larmes aux yeux, secoua la tête. « Non ! Je peux pas vous laisser ! »
Ares, agacé mais intrigué, fixa Eryndor. « Joli tour. Mais tu joues avec des forces que tu ne comprends pas. »
Eryndor ricana. « Et toi, tu penses que ta puissance te rend intouchable. Tu te trompes. »
Ce qui suivit fut un chaos tragique. Eryndor lança un sortilège dévastateur, une tempête de chaînes spectrales qui s’enroulèrent autour de Kael, le clouant au sol. Lyra, avec une agilité surprenante, esquiva une attaque et plongea pour protéger Mira, mais une chaîne la frappa au bras, la faisant hurler de douleur.
Ares, pour la première fois, sentit une pointe de colère. Ils osent défier un paria du multivers ?
D’une pensée, il déchaîna une fraction de son pouvoir. L’air autour d’Eryndor se tordit, et le mage fut projeté contre un arbre, son corps s’écrasant avec un craquement sinistre. Mais avant qu’il ne s’effondre, il murmura un dernier sort, et une flèche de magie noire fusa vers Mira.
Kael, avec un cri rauque, s’interposa. La flèche le frappa en pleine poitrine, et il s’effondra, sa hache tombant dans la poussière. Le sang se répandit sur le sol, et un silence lourd s’abattit.
« Non ! » hurla Lyra, tombant à genoux près de Kael. Mira, figée, laissa tomber la pierre, les larmes coulant sur ses joues.
Ares, immobile, fixa le corps de Kael. Un mortel qui se sacrifie. Pathétique… et pourtant… Il sentit une étrange pesanteur en lui, quelque chose qu’il n’avait pas ressenti depuis des siècles. Pourquoi est-ce que ça me touche ?
Eryndor, à peine conscient, ricana faiblement. « La pierre… vous ne la protégerez pas longtemps. L’ombre… viendra. » Puis il s’effondra, mort.
Lyra, les mains tremblantes, tenta de soigner Kael avec un sort mineur, mais ses yeux étaient déjà vitreux. « Kael, tiens bon… s’il te plaît… »
Mira, sanglotant, s’accrocha à Lyra. « C’est ma faute… c’est à cause de moi… »
Ares, d’un ton plus dur qu’il ne l’aurait voulu, coupa : « Arrêtez de pleurnicher. Il a fait un choix. Maintenant, prenez la pierre et bougez. Les autres vont arriver. »
Lyra le fusilla du regard, les larmes roulant sur ses joues. « T’es vraiment un monstre, Ares. Il est mort pour nous ! »
Ares haussa les épaules, mais ses yeux trahissaient une ombre d’incertitude. « Peut-être. Mais si vous voulez que son sacrifice serve à quelque chose, bougez. Maintenant. »