Ils décidèrent donc de rentrer chez eux, car cela faisait déjà plusieurs jours qu'ils étaient loin de leurs différentes familles. Après avoir pris soin de placer les pierres dans un coffre scellé, ils prirent chacun le chemin du retour.
Ntole, lui, rentra dans la petite maison qu'il avait construite de ses propres mains. Comme il était rentré tard, sa fiancée lui avait préparé une infusion pour le soulager et lui redonner de la force au réveil.
Avome, sa fiancée, était l'une des plus belles femmes qu'on puisse imaginer – le genre qu'on ne croise que dans les contes. Elle s'était levée avant son homme, comme à son habitude, pour lui préparer à manger. Enceinte, cela ne l'empêchait pas de prendre soin de lui, comme elle aimait le dire en souriant.
Elle s'approcha de Ntole avec douceur, un tabouret à la main sur lequel reposait le repas. Ntole s'était réveillé très tard, chose inhabituelle pour lui. Avome comprit aussitôt que la nuit avait dû être éprouvante. Elle s'assit près de lui et, tout en le massant avec tendresse, lui offrit un sourire divin. Depuis longtemps, elle rêvait de moments comme celui-ci, où elle pouvait enfin rire à nouveau avec son fiancé.
Tout était réuni pour le plaisir de Ntole. Il souriait, les yeux toujours fermés. Avome, le remarquant, lui lança sur un ton moqueur :
— J'ai du mal à savoir si tu es heureux de me voir… ou si tu souris à cause du plat ?
Ntole ouvrit les yeux, rit doucement et répondit :
— Laisse-moi d'abord voir si c'est aussi bon que toi !
Comme il était encore allongé, Avome posa le tabouret près de lui. Leurs regards se croisèrent. Ntole tendit la main et la posa sur la joue d'Avome. Il était fou de joie, et même s'il ne le disait pas, cette joie était si profonde qu'Avome pouvait presque la sentir.
Ils restèrent là, à se fixer pendant de longues secondes, comme figés dans le temps.
— Je t'aime, murmura-t-il d'une voix sincère.
Des larmes coulèrent des yeux de Ntole, puis ils s'échangèrent un baiser mêlé de tendresse et de passion.
Après cet instant, Ntole s'exclama en riant :
— Ehhh, attends ! C'est pas toi qui m'as toujours interdit de manger dans la chambre ?
Avome répondit :
— Oui, mais cette fois c'est différent. Et puis, c'est moi qui décide ici… non ?
Avome voulait poser des questions sur l'absence de Ntole. Au début, elle essaya d'y aller doucement, mais elle se ravisa. Son fiancé la connaissait bien : elle n'était pas du genre à tourner autour du pot. Alors elle se lança franchement :
— Hum… Je voulais savoir… Qu'est-ce qui s'est passé pendant tout ce temps où tu étais absent ?
— Rien de grave, répondit Ntole, évasif.
— Tu es en train de me mentir, dit-elle en le fixant. Je t'ai vu avec une petite boîte. C'est quoi ?
— Ah, ça ? fit-il en détournant les yeux. C'est juste un truc...
— Juste un truc ? Pourquoi tu le caches alors ?
Ntole poussa un soupir, puis admit à voix basse :
— Tu as raison. Ce n'est pas rien.
Il marqua une pause, la regarda un instant avec tendresse, puis dit :
— Mais laisse-moi manger d'abord… On en parlera après.
Il se concentra sur son plat, mais au fond de lui, il ne voulait pas aborder ce sujet. Cette boîte… ce qu'elle contenait… tout cela pesait lourd dans son cœur. Pourtant, il savait qu'Avome n'était pas une femme curieuse sans raison. Elle ne posait jamais de questions insistantes, sauf quand elle sentait qu'un silence cachait quelque chose d'important.
Il savait qu'il ne pourrait pas lui mentir éternellement. Et d'ailleurs, il ne le voulait pas. Son raisonnement était simple : si elle insistait ainsi, c'est qu'elle ressentait que cela la concernait aussi. Et il avait toujours dit qu'elle était sa moitié, celle qui partageait tout avec lui.
---
Pendant ce temps, dans le village voisin…
Mitorg était allongé sur sa natte, seul dans sa chambre. Dans son village, cela faisait un an qu'il jouait le rôle d'un infirme. Il le faisait pour échapper à un décret du roi qui exigeait que tous les hommes valides rejoignent l'armée. Une guerre sanglante faisait rage, opposant le royaume de Ngou aux royaumes du Nord.
Ces royaumes du Nord avaient l'habitude d'attaquer en masse les plus petits villages. Et depuis quelque temps, leurs troupes avaient commencé à s'en prendre directement à Ngou. Le roi avait alors ordonné une mobilisation générale. Tous les hommes aptes au combat devaient rejoindre les rangs. Ceux qui refusaient risquaient la peine de mort.
Mitorg avait donc simulé une blessure. Seuls ses parents étaient au courant. Ils n'étaient pas d'accord avec cette décision, car comme la majorité des habitants, ils soutenaient l'effort de guerre. Mais la guerre durait, et peu à peu, l'enthousiasme avait laissé place à la désillusion.
Les prix montaient, les ressources se raréfiaient, les rues devenaient vides. Ce qui avait été vu comme un devoir était désormais une malédiction. La vie devenait plus dure chaque jour.
Mitorg était le benjamin de la famille Essai. Son père, autrefois un simple vendeur de fruits, était devenu un homme influent et respecté. Il avait fait construire une grande maison, où vivait désormais toute la famille. Sa sœur aînée avait repris le commerce du père. Le deuxième enfant de la famille était parti au front. Mitorg, lui, restait caché.
Dans la grande maison familiale, seuls trois hommes étaient présents : Mitorg, son père, et son grand-père, presque aveugle. Le reste de la maison était rempli de femmes — sœurs, tantes, cousines — qui vivaient là en sécurité.
Ce jour-là, alors que Mitorg réfléchissait à tout ce qu'il avait vu durant son absence de trois jours, une image lui revenait sans cesse : le regard étrange d'un homme croisé dans la forêt, un homme qui disait être un messager. Son regard avait quelque chose d'inquiétant, presque comme un avertissement silencieux.
Ce qui troublait Mitorg, c'est que cet homme n'avait aucun signe distinctif : aucun symbole de clan, aucun bijou religieux, aucune couleur tribale. Et pourtant… à ses traits, Mitorg était convaincu qu'il venait de Ngou.
Et si cet homme l'avait reconnu ? S'il savait que Mitorg n'était pas infirme, mais seulement un fuyard ? Si cela arrivait aux oreilles du roi, ce serait la fin. La peine pour une telle trahison était claire : la mort. Et peut-être même celle de toute sa famille.
Mitorg, le cœur battant, attrapa discrètement le poignard caché près de sa natte. Il entendit des murmures… le même genre de sons qu'il avait entendus dans leur repaire secret, là-bas, dans la forêt. Il se raidit, tendit l'oreille…
— Bonjour, mon fils.
La voix familière de son père le fit sursauter. Derrière lui se trouvait aussi sa grande sœur.
— Bonjour, père, répondit-il avec un sourire soulagé, en cachant discrètement son arme.
— Tu peux te lever, dit son père avec un sourire. Tout le monde est à la vente. Il n'y a que toi, moi, ta sœur et ta mère dans la maison.
À ces mots, Mitorg se leva brusquement et serra son père dans ses bras avec force, au point de presque le faire tomber. Sa sœur intervint en riant :
— Et moi, on m'oublie ?
— Non, viens aussi !
Elle rit, puis appela :
— Maman, viens ! On fait un câlin de famille !
La mère entra dans la chambre et se joignit à eux. Tous ensemble, ils formèrent une étreinte chaleureuse, remplie de tendresse. Ensuite, ils apportèrent le repas dans la chambre de Mitorg, pour que personne ne voie qu'il pouvait marcher.
Pendant qu'ils mangeaient, la mère demanda :
— Que s'est-il passé pendant ces trois jours ? Tu as disparu sans prévenir...
Mitorg s'excusa, puis leur raconta tout ce qu'il avait vécu, sans omettre le moindre détail. Son père, connaissant bien le peuple de Ngou, réagit immédiatement :
— Personne ne peut venir d'ici sans porter un signe de sa croyance ou de son clan.
Il regarda fixement son assiette.
— Et s'il s'agissait d'un homme… alors, il serait forcément à la guerre.
La mère ajouta doucement :
— Peut-être que c'est juste quelqu'un qui ressemble à notre peuple ?
— Non, répliqua le père. Je connais quelqu'un qui pourrait nous éclairer.
— Tu pourrais aller le voir aujourd'hui ? demanda Mitorg, soudain curieux.
La sœur prit la parole avec inquiétude :
— Est-ce une bonne idée de retourner si vite vers le danger ?
Mitorg la regarda, surpris. Sa mère renchérit :
— Tu es encore sous le choc. Tu devrais prendre du recul, te reposer.
Le père conclut, sa voix grave mais pleine d'amour :
— Mon fils, tu sais qu'on t'a toujours soutenu. Même dans tes choix les plus risqués. Mais là, nous avons peur. Peur pour toi. La guerre t'a déjà trop rapproché du bord…
Mitorg écoutait, silencieux, les yeux baissés, pensif.
— Alors, en quoi c'est différent ?
Il leva la tête et regarda son père en prononçant ces paroles. La grande sœur de Mitorg, n'ayant pas apprécié son ton, réagit d'un air sérieux :
— Qu'est-ce qui te prend de parler comme ça ?
La mère, sentant la tension monter, posa doucement sa main sur l'épaule de sa fille. Un geste tendre pour l'inviter à se calmer et à revenir à un dialogue plus paisible. Mitorg dit alors :
— Désolé ! Je ne voulais pas être insolent. C'est juste que ce n'est pas seulement ça… Nous sauvons des vies...
Son père le coupa brusquement :
— Et nous devenons une cible pour de nombreuses personnes.
— C'est vrai, nous sommes aujourd'hui des cibles, mais nous avons aussi des alliés. Des personnes influentes qui nous soutiennent dans cette mission. Je sais que vous avez peur pour moi, c'est normal. Vous seriez de mauvais parents si vous ne vous inquiétiez pas. Mais je suis conscient du danger, c'est mon choix.
La mère sourit doucement et dit :
— Quand tu étais enfant, tu ne voulais rien faire. Je me souviens que tes amis t'appelaient "le poussin" parce que tu avais peur de tout et que tu poussais des cris dès que tu faisais face à une difficulté. Mais c'est la première fois que je vois autant d'assurance dans ton regard.
Elle ajouta :
— Si c'est ton choix, nous sommes là pour toi.
La grande sœur, à son tour, dit :
— C'est vrai. Pour une fois, j'ai le sentiment que tu fais quelque chose qui te passionne. Mais ne t'aventure pas dans des zones trop dangereuses. Je sais que tu as déjà 30 ans, mais pour nous, tu restes le petit dernier.
Après ces paroles, Mitorg tourna son regard vers son père, espérant peut-être une réaction semblable à celle de sa mère et de sa sœur. Cependant, son père ne montra aucun signe. Il se contenta de le regarder un instant, puis continua à manger.
---
Chez Ntole et Avome
Pendant ce temps, dans le foyer de Ntole et Avome, le Comte avait pris place dans la pièce qui leur servait de salon. Ntole avait sorti la boîte cachée dont lui seul connaissait l'emplacement, et l'avait posée sur la table. La boîte ressemblait à un petit coffre au trésor, ornée des symboles du peuple Ekag.
Avome savait que cette boîte était sans doute la cause du comportement étrange de son homme, peut-être même la source d'un mal bien plus grave. Elle le regarda fixement, comme pour lui dire : Je t'écoute. Connaissant sa fiancée, Ntole comprit aussitôt qu'elle avait déjà perdu le peu de patience que Njabo, le dieu des Ekag, lui avait accordé.
Il prit la parole :
— Cela fait un bon moment que je m'absente. Certains villages et communautés nous invitaient. Avec mon groupe, nous avons sauvé beaucoup de personnes pendant ces jours où je n'étais pas avec toi. Sache que, même loin, tu me manquais beaucoup. Après notre dernière mission, nous sommes allés dans l'un des neuf villages de la communauté Ekag. Nous avions été invités par le chef de communauté. La situation avait changé. Ce n'était pas la première fois que nous venions : ils nous avaient toujours bien accueillis. Mais ce jour-là, les membres de la communauté semblaient avoir peur de nous.
Avome, étonnée, répliqua :
— Comment ça ? Pourquoi avaient-ils peur de vous ?
Ntole continua :
— Personne n'a voulu nous accueillir, comme c'était leur coutume. Le peu de personnes dehors étaient des guerriers ou des soldats. Il y avait partout des attaches, une sorte de pagne contre les mauvais sorts. Le général de l'armée était aux côtés du chef de communauté. Pour nous, c'était une scène étrange. Puis le chef prit la parole et nous expliqua brièvement la raison de notre venue. Il avait vu ce qu'il appelait "la tâche noire".
Après avoir dit cela, Ntole posa son regard sur la boîte.
— Le chef nous a expliqué que la tâche noire est, selon leur tradition, un signe de mort. Mais le problème, c'est que ce symbole, que l'un des nganga avait vu en rituel, était sur nous.
Avome, choquée, porta sa main à sa bouche. Elle connaissait bien la signification de ce symbole. En langue vernaculaire, elle murmura plusieurs fois :
— Le malheur vient de frapper à la porte de chez nous...
Elle le répéta cinq fois, la main toujours sur la bouche. Ntole, d'un ton sec, ajouta :
— Ce n'est pas tout. Il y a encore bien des choses que tu dois savoir, surtout sur l'origine de cette boîte.
Avome, apeurée, répondit :
— Qu'est-ce qu'il y a encore ?!
Ntole voulait la ménager, mais il était lui-même bouleversé. Il ne savait comment adoucir ce qu'il devait dire. Voyant son hésitation, Avome déclara :
— Dis-moi la vérité. Je préfère l'entendre crûment, plutôt que de rester dans le doute. Surtout maintenant, dans l'état où je suis.
— Je sais… Mais c'est moi qui ai du mal à accepter cette vérité si perturbante. C'est pour cela que j'ai du mal à te la dire, répondit-il.
Avome se leva de sa chaise et vint s'asseoir à côté de lui. Elle lui prit la main, la posa sur son ventre, et dit :
— Tu peux tout me dire. Notre enfant arrive dans quelques mois. Nous devons être forts pour l'élever ensemble.
Ntole sentit au fond de lui une envie pressante de tout révéler.
Pendant ce temps, dans la forêt...
Parmi le groupe dévoué à aider veuves et orphelins, il y avait PAG, un guerrier réputé comme le plus agressif du groupe. C'était lui qui avait plaqué le messager au sol, cette fameuse nuit.
PAG vivait seul, isolé de la société. Son manque d'éducation le rendait peu à l'aise avec les mots. Il avait choisi la vie dans une grotte, ce qui le rendait heureux : libre dans la nature. Son apparence de brute n'était qu'une façade pour se protéger d'un monde qu'il jugeait dangereux.
Depuis cette nuit, cependant, il ressentait le besoin de se confier. Mais dans la forêt, il n'avait personne à qui parler. Il se mit à marcher pour tenter d'oublier cette pression qui pesait sur sa poitrine, comme si un éléphant lui avait marché dessus.
Sans s'en rendre compte, il arriva près d'un cours d'eau. Il en profita pour s'y laver. Cette eau claire lui rappelait son enfance. Il se souvenait d'une nuit, avec ses amis, dans une forêt semblable. Eux, les orphelins, se retrouvaient les soirs près de la rivière après avoir volé de la nourriture dans les maisons. Chacun choisissait une maison, puis ils partageaient le butin. Ces souvenirs étaient précieux pour PAG.
Il se mit à nager, à rire, à crier de joie, comme un enfant. Il faisait des éclaboussures, nageait sur toute la rivière. Puis, après ce bain, il décida d'aller voir deux frères du groupe avec qui il avait tissé des liens forts : Okulu et Pun.
Okulu et Pun avaient rejoint les 7 guerriers d'une manière atypique. Un jour, ils avaient sauvé un homme attaqué par des voleurs dans la forêt — cet homme, c'était PAG. Après l'avoir aidé, ils avaient longuement discuté, puis il leur avait proposé de rejoindre les 7 guerriers, qui n'étaient alors que 4.
Séduits par leur cause, les deux frères avaient immédiatement accepté. Depuis, ils étaient devenus des membres importants du groupe.
En arrivant chez eux, PAG n'eut même pas le temps d'annoncer sa présence. Pun cria son nom avec joie :
— PAG !
Il entra dans la maison. Okulu dit :
— PAG ! Ça tombe bien que tu sois là. Je voulais justement venir te voir.
— Ah bon ? Et pour quelle raison ? demanda PAG, étonné.
Okulu éclata de rire :
— Depuis quand faut-il une raison pour voir un ami ? Tu es devenu roi ou quoi, pendant notre courte séparation ?
Il dit cela d'un ton moqueur, en haussant les sourcils.
Pun, le petit frère d'Okulu, admirait son aîné de deux ans. Leur lien était fort. Grâce à eux, PAG avait retrouvé un sentiment de famille.